NICOLAS BORDAS « Les associations sont des annonceurs particulièrement particuliers ».
Président du groupe TBWA France et de l’AACC, Président du 5ème Grand Prix de la Communication Solidaire – Paris – 2010
Diplômé de l’ESSEC, Nicolas Bordas a débuté sa carrière en 1982 en tant que chef de publicité chez Dupuy Saatchi.
Après un passage chez CLM/BBDO, il rejoint en 1994 le groupe BDDP (aujourd’hui TBWA\), au sein duquel il fonde l’agence BDDP & Fils en 1998.
Il est aujourd’hui membre du comité exécutif mondial de TBWA\Worldwide et président du groupe TBWA\France, 3ème groupe de communication en France, qui rassemble 20 agences (publicité, communication corporate, design, communication interactive, marketing services, fundraising, etc) et emploie plus de 1800 personnes.
Il est également enseignant à Sciences Po et a publié en octobre 2009 L’Idée qui tue : Politique, business, culture, les secrets des idées qui durent (éditions Eyrolles), guide pratique àl’usage de « ceux qui ont des idées et veulent les propager».
Impliqué dans la vie de la cité, il a pris en 2008 la tête du Comité Exécutif du Codice (Conseil pour la Diffusion de la Culture Économique), organisme qui ouvre pour une meilleure information et une meilleure compréhension du fonctionnement de l’économie par le grand public, et parraine une agence associative, Nouvelle Cour, qui favorise l’insertion professionnelle des jeunes du BTS communication de La Courneuve.
Nicolas Bordas assure, depuis son élection en juin 2009, la présidence de l’Association des Agences-Conseil en Communication (AACC), dont il était vice-président depuis 2004.
Communication Sans Frontières :
Vous êtes le Président du cinquième Grand Prix de la Communication Solidaire. Pourquoi avez-vous accepté de le présider?
Nicolas Bordas :
Parce que je considère qu’au delà de son rôle économique et culturel, la communication a un rôle sociétal à assumer. C’est particulièrement le cas dans les campagnes faites pour les associations, qu’il s’agisse de contribuer à lever des fonds, ou à modifier des attitudes et comportements dans l’intérêt général.
CSF :
En tant que Président de TBWA France pouvez-vous nous dire si votre groupe est engagé bénévolement pour une cause associative ou nationale ?
NB :
Oui, les agences du groupe TBWA en France sont engagées de longue date à titre bénévole pour de multiples causes. En particulier Aides et Amnesty International en ce qui concerne TBWA\Paris, et la Fondation Abbé Pierre et Solidarités International en ce qui concerne BDDP Unlimited, pour ne citer que ces deux agences du groupe.
CSF :
Comment avez-vous trouvé le cru de cette année en particulier, et quelle est votre appréciation de la communication associative en général?
NB :
Le cru de cette année m’a paru globalement de très bonne qualité en ce qui concerne la télévision et le print. Plusieurs campagnes méritaient d’être primées et le choix n’a pas été facile. La radio était un peu le parent pauvre des médias cette année, avec des campagnes très informatives. Il convient à mon avis de mieux faire connaître le prix Internet pour qu’un plus grand nombre de campagnes soient inscrites l’an prochain dans cette catégorie.
CSF :
Vous avez aussi dans le cadre de TBWA Corporate un département (TBWA Non Profit –ndlr) dédié au secteur dit non marchand. Pensez-vous que le non marchand soit profitable et à quel titre ?
NB :
TBWA Non profit est un département spécialisé sur le secteur non marchand au sein de l’une de nos deux agences de communication Corporate (TBWA\Corporate et Harrison & Wolf). Cette unité à une double mission : conseiller les entreprises du secteur non marchand, mais aussi permettre aux entreprises privées de mieux connaître et travailler en partenariat avec les organisations du secteur non marchand et avec les associations. Je suis convaincu qu’à l’heure où les enjeux sociétaux rejoignent les enjeux marketing, ce type de partenariat ne peut que se développer.
CSF :
Vous êtes Président de l’Association des Agences Conseils en Communication (AACC), comment les agences organisent leurs relations avec les associations ?
NB :
Les agences conseil en communication ont nécessairement de plus en plus de liens avec le monde associatif. A la fois au travers des enjeux de leurs clients, mais aussi pour elle-mêmes. C’est d’ailleurs la raison principale pour laquelle le BVP (Bureau de Vérification de la Publicité), est devenu, à la suite du Grenelle de l’Environnement, l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité), pour permettre une meilleure intégration de toutes les parties prenantes, en particulier les associations de consommateur et les associations environnementales pour garantir une communication responsable et éviter le « green washing ».
CSF
La représentation des personnes dans la publicité fait de plus en plus débat dans notre pays tout autant que certaines prises de positions des marques dans les débats politiques ou citoyens. L’autodiscipline suffit-elle à réguler cette situation ?
NB :
Il faut non seulement de l’autodiscipline, mais aussi un volontarisme partagé avec les entreprises qui sont nos clientes et qui sont, heureusement, de plus en plus concernées.
CSF
Pour les noms des associations, vous diriez marque ou pas marque ?
NB :
Marque sans aucun doute. L’enjeu est la présence à l’esprit et la mémorisation d’un sens précis comme pour la Croix Rouge, Greenpeace ou Ni putes ni soumises, pour n’en citer que quelques unes.
CSF
Pour les campagnes de promotion des associations, vous diriez pub ou pas pub ?
NB :
Pub sans aucun doute. A minima sur Internet qui peut permettre de diffuser gratuitement et très puissamment une campagne si elle est à forte valeur ajoutée. Notre dernier film pour Aides intitulé « Zizi graffiti » a été visionné plus de 6 millions de fois en un mois, sans avoir fait l’objet d’aucun achat d’espace.
CSF
Les associations sont-elles des « clients » comme les autres, voire des « annonceurs » comme les autres ?
NB :
Tous les clients sont différentes, mais les associations sont des annonceurs particulièrement particuliers ! Non seulement par leur nature, mais aussi par leur mode de fonctionnement et de décision. Il faut distinguer bien entendu, les associations qui ont les moyens de rémunérer le travail des agences qui les accompagnent dans le cadre d’une stratégie maitrisée, de celles qui bénéficient de démarche pro bono de la part des agences avec pour contrepartie une liberté créative quasi totale.
CSF
Pensez-vous que l’accès aux médias devrait, de fait, être le même que celui des marques issues de l’économie de marché ?
NB :
Il est souhaitable que les associations puissent bénéficier de conditions particulières d’accès au média payant, en complément des espaces gracieux qu’elles peuvent obtenir.
CSF
Les petites et moyennes associations ou celles qui n’ont aucun moyen d’expression dans les médias sont d’une certaine manière victime d’une « censure ». Pensez-vous que l’on puisse y remédier et comment ?
NB :
Il ne faut jamais renoncer à trouver un moyen d’expression pour une bonne cause. Les RP et Internet sont des moyens à la portée de toutes les associations.
CSF
Pensez-vous que la professionnalisation des pratiques communicationnelles du tiers secteur lui soit préjudiciable ?
NB :
Non, bien au contraire !
CSF
Les images de nombreuses personnes en difficulté sont utilisées aujourd’hui à des fins promotionnelles et pour des campagnes de communication des associations. Ces dernières ne sont pas protégées comme nous le sommes dans notre pays par un droit à l’image. Pensez-vous qu’il faudrait adopter un droit à l’image des victimes et des personnes en difficulté au niveau international ?
NB :
L’intention est louable, mais la mise en place me semble très difficile. Sans dire que la fin justifie les moyens, il me semble qu’il y a plus à gagner à permettre un usage responsable de ces images pour la bonne cause, plutôt que d’empêcher leur usage si la question des droits ne peut matériellement être réglée pour des questions de distorsion juridique entre les pays; ou … En attendant l’homogénéisation du droit international qui risque d’être lent.
CSF
Qu’est-ce qui vous révolte le plus aujourd’hui ?
NB :
Au plan français, que l’on constate passivement l’abstention aux élections sans se donner davantage les moyens d’agir pour la diminuer. Au plan mondial, que l’arbre des enjeux environnementaux masque un peu trop la forêt des enjeux humainement vitaux, en particulier le problème de l’eau et des médicaments.
CSF
Qu’est-ce qui vous satisfait le plus aujourd’hui ?
NB :
Le lancement mondial que nous réalisons en ce moment pour MASSIVEGOOD : une formidable mobilisation de tous les professionnels du tourisme sous l’égide de l’ONU, pour proposer à tous ceux qui voyagent de donner 2 dollars ou 2 euros quand ils achètent leur billet pour lutter contre le Sida, la malaria et la tuberculose, grâce à Unitaid
Propos recueillis par © Communication Sans Frontières® 2010
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