Catherine Tasca « Il faut créer « un « couloir » réservé aux petites associations dans les campagnes d’intérêt général. »
Catherine Tasca est Sénatrice des Yvelines, vice-présidente du groupe socialiste du Sénat, membre de la commission des affaires étrangères et de la Délégation pour l’Union Européenne.
Elle a été ministre de la culture et de la communication dans le gouvernement de Lionel Jospin (2000-2002) et ministre déléguée à la communication (1998-1991) puis à la francophonie (1991-1993) sous la présidence de François Mitterrand. Elle a également été députée des Yvelines, présidente de la commission des lois de l’Assemblée Nationale (1997-2000), rapporteur de la Loi constitutionnelle sur la Parité.
Communication Sans Frontières®
Vous êtes la présidente du premier grand prix de la communication solidaire. Pourquoi avez-vous accepté de le présider?
Catherine Tasca
Pour moi, les actions de solidarité sont aujourd’hui au cœur des mutations de notre société. Elles ont toutes besoin d’un fort support de communication. J’ai donc trouvé cette initiative très juste. C’est avec plaisir que j’ai été la présidente de cette première édition.
CSF
Pour la première fois, un jury réunissant quatre composantes essentielles ( tiers secteur, entreprises, médias, publicité – NDLR) de la vie de la cité s’est réuni pour délibérer sur des campagnes de communication. En êtes-vous satisfaite ?
CT
C’est la réunion de métiers, de milieux, et d’expériences très différents. C’est la garantie d’une approche ouverte et pas routinière.
CSF
Vous êtes ancienne ministre de la culture et de la communication. A ce titre, pensez-vous que notre pays ait progressé dans la place qu’occupe la publicité dans la cité, tant dans sa forme que dans son fond ?
CT
Il y a eu des périodes plus fastes, plus inventives. Aujourd’hui, la publicité sous toutes ses formes, sur maints supports, envahit tellement notre « paysage », qu’elle finit par se neutraliser.
CSF
La représentation des personnes dans la publicité fait de plus en plus débat dans notre pays tout autant que certaines prises de positions des marques dans les débats politiques. Pensez-vous que des réglementations devraient être prises en la matière et que les citoyens devraient être représentés équitablement dans les instances de régulation de la communication ?
CT
Je ne pense pas qu’on puisse établir des quotas équitables. Mais il serait très important de diversifier la composition des instances de régulation pour assurer, bien mieux qu’aujourd’hui, le pluralisme politique, la présence des femmes, la diversité des cultures. C’est une question de mentalité des décideurs et de volonté lors des nominations.
CSF
Certaines associations caritatives, humanitaires, de commerce équitable sont devenues aujourd’hui de véritables marques et emploient les mêmes moyens et techniques que le secteur marchand. Pensez-vous que leur accès aux médias devrait, de fait, être le même que celui des marques issues de l’économie de marché ?
CT
Non, il leur faut un traitement spécifique. Il est normal de faciliter leur accès aux médias pour donner toutes leurs chances aux causes qu’elles servent.
CSF
Les petites et moyennes associations ou celles qui n’ont aucun moyen d’expression dans les médias sont d’une certaine manière victime d’une « censure ». Pensez-vous que l’on puisse y remédier ?
CT
On ne pourra jamais créer une égalité réelle entre les grosses machines et les petites. Mais on pourrait compenser au moins en partie cette inégalité en créant un « couloir » réservé aux petites associations dans les campagnes d’intérêt général.
CSF
Les médias offrent des espaces gracieux et donnent accès à leur contenu selon des critères non définis et non transparents. Communication Sans Frontières®, milite pour la création d’une centrale de répartition média équitable pour le tiers secteur à laquelle auraient accès les associations qui le souhaiteraient au même titre que les demandes qu’elles formulent pour des subventions publiques ou des partenariats privés. Qu’en pensez-vous ?
CT
Pourquoi pas !
CSF
Pensez-vous que la professionnalisation des pratiques communicationnelles du tiers secteur lui soit préjudiciable ?
CT
Non, car c’est aujourd’hui une arme indispensable. Par contre, le recours à ces pratiques ne doit pas noyer le message de fond qui est évidemment l’essentiel.
CSF
Le Sénat a rendu un rapport détaillé assez critique de l’action des Ong à la suite du tsunami1. Certains considèrent pourtant que les Ong sont prises en otages entre la pression mise par les médias sur l’opinion publique, leurs appels incessants aux dons et les difficultés dans lesquelles elles se retrouvent aujourd’hui dans l’affectation des dons. Que pensez-vous de cette situation ?
CT
Les médias font de l’information. Les ONG, elles, sont sur le terrain, et font globalement un travail irremplaçable là où les pouvoirs publics ne veulent pas ou ne peuvent pas intervenir. Il serait souhaitable que les deux se concertent plus.
CSF
L’image de nombreuses personnes en difficulté sont utilisées aujourd’hui à des fins promotionnelles et pour des campagnes de communication. Ces dernières ne sont pas protégées comme nous le sommes dans notre pays par un droit à l’image. Pensez-vous qu’il faudrait adopter un droit à l’image des victimes et des personnes en difficulté au niveau international ?
CT
Je crois moins à un nouveau droit à l’image qu’à une charte déontologique de l’ensemble des médias, qui ont beaucoup à faire dans ce domaine.
CSF
Qu’est-ce qui vous révolte le plus aujourd’hui ?
CT
La pauvreté et le racisme.
CSF
Qu’est-ce qui vous satisfait le plus aujourd’hui ?
CT
Que nous soyons nombreux à les combattre, heureusement !
1 http://www.senat.fr/rap/r04-202/r04-202.html
Propos recueillis par © Communication Sans Frontières®
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