CHRISTIAN DE BOISREDON « Tant que le spectacle reste au service de l’action, cela me semble constructif »
Christian de Boisredon est consultant chez BearingPoint et cofondateur de Reporters d’Espoirs, mouvement « résolument positif » comme il le précise qui a été créé pour distinguer les journalistes qui ont su, à travers leurs articles et leurs reportages, mettre en valeur des solutions d’avenir apportant une réponse concrète aux grands enjeux économiques, scientifiques, environnementaux, humanitaires, sociaux et culturels.
Il mène ce projet ambitieux, entouré de trois autres cofondateurs; Pierre Nougué, Laurent de Cherisey, Béatrice Leproux, une équipe de bénévoles. Il est soutenu par son employeur BearingPoint, son employeur. En voulant se faire l’écho d’initiatives concrètes et encourageantes face aux problèmes actuels, ces « reporters d’espoirs » souhaitent que chacun s’engage.
Son ambition aujourd’hui est de mettre tout en oeuvre vais tout faire pour que le projet devienne autonome, pour qu’il puisse déléguer ses responsabilités, et léguer le projet à transmettre le témoin à d’autres personnes qui ont envie de le poursuivre souhaiteraient prendre en main sa destinée.
Après le lycée, toujours taraudé par l’envie de faire un métier qui pouvait faire avancer le monde, il décida de faire une école d’agronomie, avec une spécialisation agroalimentaire. Son ambition était de contribuer, modestement, et grâce au développement agricole, à résoudre « les problèmes du monde ». Il s’y attela en commençant par réaliser une mission pour Ingénieurs sans Frontières au Vietnam concernant les problèmes de pollution dus aux élevages de crevettes géantes.
Après un passage dans les banlieues « difficiles » il part l’année suivante, pour un tour du monde, avec deux amis à la rencontre d’hommes, de femmes, qui font, selon lui, avancer l’humanité.
Pendant 13 mois, ils rencontreront des banques pour les pauvres, des modèles d’énergie renouvelable, un patron qui remonte une entreprise en misant sur la confiance, un animateur de radio qui fait l’école aux enfants de la brousse, des enfants torturés qui retrouvent l’espoir, d’anciens ennemis d’une guerre de religion qui reconstruisent un dialogue, une école contre l’échec scolaire, des initiatives contre le chômage.
De retour de cette aventure, ils organisent une soirée rétrospective rassemblant, à leur grand étonnement, plus de 2200 personnes. Un éditeur leur demande er d’écrire un livre. À a près une soirée de lancement de réuni ssant 3 500 personnes, ce livre ( L’espérance autour du monde, 60.000 exemplaires vendus, ndlr)) devient best-seller.
Plus tard, ils recevront des milliers de courriers et emails dont certains témoignent que ce livre cet ouvrage leur a donné envie de s’engager. Certains lecteurs ayant rejoints certains se sont même engagés dans des projets cités dans le livre, en France ou à l’étranger et ce pour plusieurs années.
Communication Sans Frontières
Vous êtes fondateur de « Reporters d’Espoirs », pouvez-vous nous expliquer quel est le but poursuivi par cette association ?
Christian de Boisredon
Valoriser et développer la médiatisation des initiatives et des solutions face aux enjeux de l’actualité, pour donner à chacun les moyens d’espérer et d’agir. Les médias ont un pouvoir créateur et démultiplicateur que nous souhaitons valoriser et développer avec eux.
Dans les domaines suivants : économie, science, santé, environnement, société, culture, paix, humanitaire.
CSF
Quelles sont les raisons fondamentales qui vous ont amené à fonder le prix « Reporters d’Espoirs » ?
CDB
D’après une étude publiée dans le journal Le Monde en 2001, le public vit l’actualité avec un sentiment d’impuissance. Or, de nombreux articles ou reportages peuvent donner des pistes d’actions à chacun. Par ailleurs, mon expérience personnelle m’y a conduit car après des missions « Ingénieurs Sans Frontières » puis une année comme éducateur et enseignant auprès de jeunes en difficulté, je suis parti (avec 2 amis) faire un tour du monde de l’espérance. Le livre que nous avons écrit « l’espérance autour du monde »1 est devenu best seller, contre toute attente. Mais surtout, de nombreux lecteurs ont décidé de rejoindre des projets dont nous parlons dans le livre. Non seulement il y avait une attente pour ce type d’information, mais elle donnait envie d’agir.1« l’espérance autour du monde », Pocket 2003, 407 pages. Il y a 7 autres éditions (dont une originale mais épuisée)
CSF
Quels sont les griefs que vous portez envers les médias et aux nouvelles que vous décrivez comme « anxiogènes » ?
CDB
Pas de griefs. Par contre, nous voulons éviter le débat « bonnes nouvelles » contre « catastrophes ».,IL nous semble pertinent, face aux problèmes traités dans l’actualité, de parler aussi des solutions concrètes qui y répondent.
CSF
Que pensez-vous de l’attitude des médias face à la catastrophe en Asie ?
CDB
La médiatisation de l’horreur a sans doute contribué à cet élan de solidarité. Après l’horreur, les médias ont largement traité la solidarité, en montrant comment chacun pouvait agir. Je pense notamment à cette petite fille qui a pris son vélo pour faire une quête dans le village ou les marins pêcheurs de Bretagne qui ont envoyé des filets en Asie, ou les stars américaines qui ont organisé une sorte de « Téléthon » aux USA.
CSF
Pensez-vous que la charité et la solidarité soient en train de devenir de nouveaux « marronniers » pour ces derniers ?
CDB
Ce type de sujets ont souvent fait de très bons scores d’audience ou de tirage. Sans savoir si cela est lié, des titres comme Le Pèlerin ou La Croix qui traitent volontiers ces sujets sont des titres qui se portent bien.
Des « unes » comme « Le bonheur est en France, mais les Français ne le savent pas. Arrêtons de râler » a fait une très bonne vente pour le magazine Challenge.
CSF
N’avez-vous pas l’impression que l’on glisse vers une information spectacle au détriment d’une information « d’intelligence » ?
CDB
Tant que le spectacle reste au service de l’action, cela me semble constructif.
CSF
Que pensez-vous de la sur-exploitation des images d’amateurs dans les journaux télévisés ?
CDB
Encore une fois, tout est question d’équilibre et de mesure. Par contre, j’ai été choqué de voir le site d’une chaîne2 faire un classement « top 10 » des vidéos amateurs.2 NDLR Il s’agit du site Internet de TF1 : http://videos.tf1.fr/video/ qui a mis en ligne le classement suivant
1 – Le tsunami ravageur filmé par un touriste à Phuket 2 – Images impressionnantes d’un baigneur happé par la gigantesque vague 3 – Le tsunami filmé par un vidéaste amateur 4 – Asie: les dernières vidéos amateurs du drame.
CSF
Pensez-vous que le public soit en mesure de « compenser » un travail journalistique ?
CDB
Malheureusement, nous ne sommes pas tous capables de faire la part des choses, mais selon un sondage Sofres, 51% des interviewés pensent que : « il y n’a pas mal de différences entre la façon dont les choses se sont passées et la façon dont la télévision les montre’ . Cela prouve que les gens prennent du recul. Je pense que les jeunes ne sont pas préparés et qu’il est dangereux de tout montrer.
CSF
Comment pensez-vous que s’arbitre, dans les médias, la relation entre le devoir d’informer, la course à l’audience et les intérêts publicitaires ?
CDB
Je pense que le vrai problème des médias est le temps qu’ils ont pour pouvoir prendre des décisions. Tout va trop vite et le temps manque pour trouver des alternatives, notamment le traitement des solutions face aux problèmes. La directrice de la rédaction de « Bien dans ma vie » confiait qu’il fallait beaucoup plus de temps pour traiter ces sujets et qu’ils devaient être confiés à des journalistes particulièrement compétents. Une journaliste de France 2 nous confiait « comment voulez-vous traiter le sujet en profondeur quand vous avez ½ journée pour faire un reportage et le monter pour le jour même ? » C’est une question qu’il poser aux médias eux-mêmes.
CSF
N’avez-vous pas l’impression d’être au coeur de cette équation?
CDB
Nous essayons de réfléchir aux moyens de concilier le traitement des initiatives et des solutions tout en respectant l’audimat.
CSF
Quelles sont pour vous les meilleurs signes d’espérance pour la planète et pour l’Humain ?
CDB
Il faut lire pour cela notre magazine Reporters d’Espoirs…
Propos recueillis par Communication Sans Frontières.
© Communication Sans Frontières février 2005 – tous droits réservés.
Interview réalisée par mail. Les personnes interviewées reçoivent les questions préalablement par mail.