« ONG/Entreprises : quel(s) partenariat(s) de communication ? »
Intervenants :
- André de Marco, consultant en communication
- Philippe Hardouin, directeur de la communication du groupe Lafarge
Animateur :
- Philippe Chabasse, directeur de C&F conseil, administrateur d’Handicap International
Distinguer les types de partenariat
Le terme de partenariat peut prêter à confusion, car il recoupe une diversité de situations dans lesquelles il existe des différences fondamentales. Les partenariats ne se limitent pas seulement à de la communication : ils peuvent également être financiers, matériels, humains ou basés sur la recherche (ex. Sanofi-MSF) .
Dans tous les cas, ce qui doit primer c’est la mise en place d’un partenariat stratégique fondé sur des objectifs définis et une contractualisation forte. C’est la garantie de voir la communication rester à sa juste place, tant dans l’entreprise que dans l’ONG.
Les partenariats communication peuvent s’avérer utiles. Ils permettent de nouer une première relation qui peut aboutir dans la durée à un partenariat stratégique.
Des différences culturelles
Entreprises et ONG doivent faire face à des difficultés communes :
- Différence de temporalité
- Les temps de décisions dans les entreprises et les ONG sont différents. Le temps en entreprise a changé.Aujourd’hui, le partenariat n’est plus le pré-carré du directeur et du président. Les décisions sont souvent prises en CA, ce qui a allongé les délais, mais restent néanmoins généralement inférieur au processus de décision dans les ONG.
- Identification des interlocuteurs
- Où placer le responsable du partenariat ? Dans les deux cas, la question du choix de l’interlocuteur a un impact sur la stratégie de communication mise en place autour du partenariat. Pourtant que ce soit dans les ONG ou en entreprise, souvent la personne en charge des partenariats est rattachée au service / à la direction de la communication. Cependant le partenariat n’est pas de la communication. C’est pourquoi on voit émerger dans les ONG des postes de responsable des partenariats rattachés à la direction des programmes, voir même la création de services partenariats indépendants
- Chez Lafarge, le choix a été d’associer communication et développement durable. Ce choix est justifié par lanature même du partenariat. Entre Lafarge et le WWF, le partenariat repose sur des enjeux liés àl’environnement. En fonction du thème, la répartition de la responsabilité du partenariat peut varier et être suivie soit par la direction des affaires sociales, de la communication ou du développement durable.
Contractualiser !
Les intervenants s’accordent tous sur la nécessité de contractualiser les partenariats. La contractualisation permet en effet de conserver un équilibre entre les partenaires. Elle doit se faire sur des objectifs et des actions, pour ne pas être institutionnelle. Chacun peut ainsi retrouver sa liberté de communication en dehors
de ce contrat, et conserver intact son image. L’ONG reste ainsi libre de critiquer le partenaire sur les points de désaccords et responsabilise ainsi les deux interlocuteurs.
Exemple de Lafarge et du WWF :
Lafarge et le WWF sont engagés sur un partenariat long, jusqu’en 2007. Le contenu du partenariat a été contractualisé et est programmatique : la baisse de la production de CO2 du groupe Lafarge. L’intérêt pour Lafarge : les experts du WWF challengent les équipes pour favoriser un changement de comportement, toujours difficile dans l’industrie.
Le groupe Lafarge met en place un programme d’extraction de sable au large de Quiberon, projet vivement critiqué par les associations de défense de l’environnement. Dans ce cas, le WWF garde toute liberté pour critiquer Lafarge, puisque dans la contractualisation, il est prévu que les partenaires, s’ils sont en désaccord, peuvent le faire savoir.
Pour Philippe Hardouin, l’entreprise n’a pas intérêt à nouer un partenariat financier pour avoir uniquement un effet « miroir ». Si l’ONG perd son rôle de critique, elle perd également son crédit.
Partenariats et communication : des problématiques communes
- Une communication limitée vers l’extérieur
- La communication doit savoir garder sa juste mesure du côté ONG et du côté entreprise. Pas de communication ostensible, ça n’intéresse pas les médias, c’est contre-productif, avec un effet retour négatif (sentiment de récupération, d’argument commercial…). Au contraire, la communication doit s’appuyer sur des résultats. C’est le choix de Lafarge et du WWF qui ont très peu communiquer sur leur partenariat (uniquement à la signature) et qui s’apprêtent, au bout de quatre ans (clôture du partenariat), à communiquer largement sur les résultats.
- Communiquer à l’interne
- Pour l’entreprise, il est indispensable de communiquer à l’interne pour se justifier et expliquer la nécessité de ses choix auprès des salariés, mais surtout auprès des organes de décisions, notamment les actionnaires. Il est utile de favoriser les rencontres entre salariés et représentant de l’ONG de façon à ce que les salariés
- s’approprient le partenariat.
- Partenariats internationaux
- Quand un partenariat est initié à l’international, la problématique est identique pour l’ONG et l’entreprise : il est difficile de le décliner au niveau national. Dans ce cas, il est important de communiquer au sein des entités locales ONG et entreprise. La communication en interne s’avère là aussi essentielle.
- Les partenariats sont plus forts quand ils partent du local : il est plus facile de communiquer sur de bonnes pratiques déjà ancrées sur le terrain (au niveau local) et de les transmettre ensuite à l’international. Le partenariat devient alors un accélérateur.
L’exemple de Lafarge :
Avec ses différents partenaires (Care, WWF ou Habitat for humanity), les financements sont souvent versés
à l’international. Le reversement au national est favorisé lorsque les entités locales de Lafarge et de l’ONG
présentent un projet en commun.
L’impact en terme d’image
Chacun des partenaires doit se poser la question du partenariat et de la communication en fonction de son image, de ses activités, et de celles de ses partenaires potentiels. Ainsi, beaucoup d’entreprises polluantes évitent les partenariats sur l’environnement, ceux sur le social et la solidarité étant plus confortable en terme
d’image.
Exemple de Rhône-Poulenc, de la Fondation Nicolas Hulot et de Greenpeace : Pendant longtemps, ces trois structures se sont rencontrées pour avancer et progresser chacun dans ces positions. Pour André de Marco, ce partenariat, de part la volonté des 3 partenaires, n’a pas donné lieu et ne doit pas donner lieu à communication, le but étant de faire bouger les lignes dans chacune des structures.
Pour l’entreprise, la collaboration permet de se crédibiliser sur le fond. Il y aura des problèmes et des désaccords, mas l’entreprise conservera une image de société responsable. Finalement, la communication à grand renfort de campagne est morte. Un nouveau type de communication institutionnelle, qui s’appuie sur
les partenariats, émerge.
Recommandations générales :
- Le partenariat doit être basé sur une action précise et toucher le business plan de l’entreprise.
- S’assurer de l’engagement des directions et des cadres dirigeants du côté entreprise comme du côté ONG (tant les décideurs que les salariés doivent s’approprier ce partenariat)
- Faire une communication commune sur des résultats
- Anticiper les désaccords
- Communiquer en interne de l’entreprise
- Les ONG doivent prendre le temps de bien présenter leur organisation et convaincre l’entreprise de travailler avec elle
Pour aller plus loin
- Partenariat stratégiques ONG/entreprises, Orse, juin 2005 : www.orse.org/fr/home/download/20051122_rapport-ONG-Entreprises.pdf
- Les partenariats entreprises/ong dans le cadre de démarches sociétales. Premiers éléments d’analyse, IMS entreprendre : www.imsentreprendre.com/documents/partenariats_ONG_entreprises.pdf
- « Les ONG : nouvelles sentinelles de la réputation des entreprises ? », Kristine Druillon, CELSA, 2005 : www.communication-sensible.com/articles/article0112.php
- Portrait général du mécénat d’entreprise, Unogep, avril 2006 : www.communicationsansfrontieres.net/documents/Mecenat%20unogep.pdf